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Don Juan.

Attendez. Aujourd’hui elle m’a écrit ce billet, et m’a envoyé en même temps, pour me convaincre, les bijoux que lui avaient donnés le roi et les infants. Si l’amour doit se juger par les actions, vous allez voir celui que j’ai pour l’infidèle. Faites descendre par ce balcon un ruban, dussiez-vous le détacher de vos beaux cheveux blonds, et tous ces gages de tendresse vont remonter jusqu’à vous.

Dorothée.

L’idée m’en plaît assez. Mais comment avez-vous pu en venir à un tel mépris ?

Don Juan.

Faites descendre le ruban, et ne parlons plus de tout cela. J’en rougis, et je me le reproche.

Dorothée.

Mille grâces, don Juan, pour ce cadeau. Peut-être y a-t-il de la légèreté à recevoir des présents d’un galant qui vient me voir pour la première fois ; mais je les accepte comme un gage de votre amour. — Il y a longtemps que j’appelais ce moment de tous mes vœux. Mon cœur est à vous depuis un certain jour que je vous parlai, voilée, en passant à Triana[1], dans un bateau.

Don Juan.

Jetez le ruban.

Elle jette le ruban.
Dorothée.

Le voilà. Attachez-y les bijoux, et je les ferai monter vers moi.

Don Juan.

Ce coffret, Marcèle, renferme les riches dépouilles de la Belle aux yeux d’or.

Dorothée.

Qui bien lie, bien délie. — Croyez, mon cher bien, que je vous adore.

Il attache le petit coffret.
Don Juan.

Tirez doucement, avec précaution.


Entre DON FÉLIX.
Dorothée.

J’entends du bruit. Pardonnez, laissez qu’on s’éloigne. Ainsi l’exige l’honneur de la maison.

Elle se retire.
Don Félix, à part.

Toujours quelque fantôme qui rôde au coin de cette rue !

Don Juan.

Comment Chacon a-t-il laissé passer cet homme enveloppé dans son manteau ?

  1. Faubourg de Séville.