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Don Juan.

C’est pour toi seul que je le lis.

Léonel.

Pour moi… et pour vous. Car enfin, vive Dieu ! ce serait aussi pousser le mépris trop loin.

Don Juan, après avoir ouvert le billet.

Voilà qui est bon !

Léonel.

Quoi donc ?

Don Juan.

C’est un sonnet.

Léonel.

Vraiment ?

Don Juan.

Le voici. (Lisant.) « Tu veux, ingrat, me faire mourir à force de rigueur et de mépris, et tu me condamnes sans m’entendre. Mais il faut que tu connaisses à la fois mon amour et la vérité. — Il n’est pas juste que tu m’affliges sans motif. Puisque d’autres soins occupent déjà ta pensée, et que d’ailleurs mon honneur t’a confié d’autres gages, je te sacrifie également ceux que je t’envoie. Puissent-ils calmer tes ennuis ! Sache-le, les hommages des princes ne sont à mes yeux que des illusions et des chimères ; et quand même je les aurais subjugués comme tu le crois, tu ne devrais pas te plaindre, puisque avec ces trophées je me mets à tes pieds. »

Léonel.

Quelle humilité ! — Cette femme a tous les talents et toutes les grâces.

Don Juan.

De là vient son malheur et le mien.

Léonel.

Le sonnet respire l’amour, et l’on voit bien qu’il est l’ouvrage d’une femme. Mais comment demeurez-vous si froid, si inflexible, lorsqu’elle vous appelle ? Ne vous renvoie-t-elle pas dans ce coffre les gages que vous lui avez donnés ?

Don Juan.

Pour que je lui renvoie les siens. C’est une politesse intéressée. Oui, cruelle, je te les renverrai.

Léonel.

Ouvrez donc un peu.

Don Juan, ouvrant le coffret.

Ciel ! que vois-je ?

Léonel.

Qu’est-ce donc ?

Don Juan.

Il me semblait que le billet parlait d’autres gages. Regarde… les reliques du grand maître et le souvenir de l’infant !