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Marcèle.

Non, non ! je me le souffrirais pas !… Des patins me suffisent. Et savez-vous pourquoi j’en consomme une si grande quantité ? c’est que je cherche un logement.

Don Félix.

Vous avez sans doute quitté le vôtre dans la crainte que Léonor n’y vînt demeurer avec vous. — Chose étrange ! deux tigres, deux lions pourraient vivre ensemble. De même un hidalgo et un rustre. De même, à la rigueur, deux poëtes. Mais deux jolies femmes, il ne faut pas l’espérer : il y aurait entre elles une haine éternelle, et elles finiraient par s’entr’égorger.

Marcèle.

Surtout si l’une d’elles n’est qu’une sotte, une précieuse à grandes prétentions.

Don Félix.

Comme Léonor, n’est-ce pas ?

Marcèle.

Justement.

Don Félix.

Mais laissons cela. — Savez-vous que ma sœur a voulu habiter la maison que vous avez laissée, quoique je doive m’y déplaire beaucoup ?

Marcèle.

La maison que j’ai quittée ?

Don Félix.

La même.

Marcèle.

Est-ce que la sienne ne valait pas mieux ?

Don Félix.

C’est un caprice, une fantaisie. Je ne me l’explique pas autrement. Comme c’est la même rue, et que la maison ne vaut pas la nôtre, ç’a été une sorte de folie..

Marcèle.

Elle veut tenter la fortune. Quel dommage qu’une personne si accomplie n’ait pas trouvé cent fois un riche parti ! Il y a des maisons qui portent malheur.

Don Félix.

Des maisons funestes aux demoiselles !… Je ne l’aurais pas cru. Vous avez, vous autres femmes, de singuliers préjugés.

Marcèle.

Que voulez-vous ? nous sommes ainsi faites.

Don Félix.

Son balcon et les pots de fleurs dont il était garni valaient mieux qu’un jardin.

Marcèle.

Je l’approuve cependant. Il faut qu’elle change de maison, —