Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 2.djvu/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cœur, et je ne saurais te parler tranquillement. Mon bonheur est au comble.

Dorothée.

As-tu donc obtenu quelque faveur signalée ? un billet ? un ruban ? un baiser ? l’entrée de la maison ?

Don Félix.

Rien de tout cela. Il ne s’agit pas d’une affaire d’amour.

Dorothée.

Qu’est-ce donc ?

Don Félix.

Par une erreur singulière, un domestique de l’infant m’a mandé chez son altesse. Il m’a pris pour un autre cavalier du même nom, un certain don Félix qui s’occupe à élever des chevaux. J’y vais. Explication. Je dis à l’infant que je ne possédais d’autre bien que toi… et ma bonne fortune a voulu que le prince me prît dès aujourd’hui à son service et se chargeât de ton établissement. — Je vais, ma sœur, me distraire un peu parmi les fêtes de cette nuit. Mais je n’ai pas voulu y aller sans te voir, sans te conter ce qui nous arrivait d’heureux. Nous pouvons nous adresser de mutuelles félicitations. Adieu ; je vais dire un mot à quelqu’un, et je reviens. Ne te couche pas encore. J’ai à causer avec toi.

Il sort.
Dorothée, à part.

Quelle bizarre aventure ! (Haut.) Eh bien ! don Juan, reparaissez.


DON JUAN et CHACON reparaissent.
Don Juan.

Oui ! mais c’est pour disparaître à jamais, puisque le prince est votre amant.

Dorothée.

Le prince !… Quelle folie !

Don Juan.

Ne vous a-t-il pas parlé ?

Dorothée.

Je n’ai rien compris à ce que m’a dit mon frère.

Don Juan.

Ah ! Dorothée ! Ingrate !… que vous répondez mal à mon amour !… Que se passe-t-il donc ?

Dorothée.

C’est fort aimable à vous !… Parce que vous avez de l’ennui, vous m’accusez.

Chacon.

Seigneur, entendez-vous la musique ?

Don Juan, à part.

Ah ! prince, tu viens provoquer ma jalousie !

Inès.

Madame, c’est une sérénade.