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échoué des docteurs qui ont pâli sur les aphorismes d’Hippocrate[1] ?

Don Arias

Oui, monseigneur, vous avez blâmé un peu légèrement. Dorothée n’est pas un puits de science, et ne prétend pas lutter avec Homère ou Virgile : elle écrit comme on écrit à la cour et dans le beau monde… Mais la voici ; elle s’avance parmi tous ces anges qui sont venus visiter les salles de l’Alcazar… Je dis les anges, quoiqu’ils n’aient pas d’ailes… La voilà qui entre dans le jardin.

Henri.

Ô charmante belle ! ta blancheur égale celle de la fleur d’oranger, du jasmin et du lis ; et je la préfère au vif incarnat de la rose. Déjà en Castille ta renommée avait commencé de troubler mon cœur, et ici ta vue m’a ravi l’âme !


Entrent DOROTHÉE et THÉODORA, couvertes d’un voile ; un Écuyer les suit.
Dorothée.

Cela étonne votre altesse ?

Henri.

Ce n’est pas ce que je vois ici qui m’étonne. J’ai été plus surpris ailleurs.

Dorothée.

Fameuse est la Giralda de Séville qui porte un écu, un calice et une palme[2]. Mais votre altesse n’a pas besoin de sortir d’elle-même pour admirer.

Henri.

Arrêtez, n’allez pas plus loin.

Dorothée.

Je m’en retourne. J’ai vu maintenant tout ce que je voulais voir.

Henri.

Qu’étiez-vous donc venue voir ?

Dorothée.

Les richesses du palais, l’élégance et la beauté du jardin, où nature a répandu d’une main prodigue ses dons les plus brillants. Vous êtes l’abrégé de tout cela.

Henri.

Comment ?

Dorothée.

Je vois en votre personne toute l’élégance, et dans votre esprit toutes les fleurs du jardin.

Henri.

Ah ! femme céleste ! trésor divin ! — Quels sont donc les fous qui vous ont surnommée la Belle aux yeux d’or ?

  1. Tout ce passage, qui a une certaine importance comme renfermant l’opinion de Lope sur la poésie, a été omis, ainsi que beaucoup d’autres, par le précédent traducteur.
  2. La giralda (girouette) est une statue de métal qui sert à indiquer le vent. La giralda aujourd’hui porte un drapeau au lieu du calice. Nous croyons toutefois que la description qu’en donne Lope devait être exacte au dix-septième siècle.