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Joseph.

Fort bien !

Putiphar.

Et vous dites que je dois leur rendre la liberté ?

Joseph.

Dans trois jours. — Seulement écoutez. Avant qu’ils soient sortis de la ville, ne manquez pas d’arrêter l’un d’entre eux qui se nomme Siméon, et gardez-le jusqu’à ce que les autres soient de retour avec leur plus jeune frère. Vous leur donnerez du blé abondamment, et, à leur insu, vous remettrez leur argent dans leurs sacs. — Vous m’avez entendu ?

Putiphar.

Parfaitement.

Joseph.

Je ne saurais trop vous louer, capitaine ; car vous servez avec zèle et dévouement celui qui vous a servi comme esclave.

Ils sortent.



Scène III.

Une campagne.
Entrent BENJAMIN et LIDA.
Lida.

Plus tu te montres insensible, plus augmente mon amour ; comme si la rigueur ajoutait un nouveau charme à la beauté. — Ah ! Benjamin, ou plutôt le plus beau et le plus gracieux des séraphins, comment donc, au printemps de ta jeunesse, peux-tu ne pas aimer ? D’où vient que ton cœur est rebelle à l’amour ? Ne vois-tu pas que sur la montagne, dans les bois, dans les prairies, l’amour règne en maître, et que tout est par lui animé ? — Ils aiment, ces animaux sauvages, qui cependant n’ont point d’âme ; les palmiers aiment les palmiers, et les oiseaux chantent en de douces chansons leurs amours, leurs désirs et leurs espérances… Toi seul, insensible à ma peine, tu ne sais pas aimer !

Benjamin.

Il est vrai, j’en conviens, Lida, je suis incapable d’aimer. S’il en était autrement, ma pensée serait d’accord avec la tienne, et tu n’aurais pas à m’adresser de tels reproches, d’autant que naturellement ta beauté me plaît… L’amour, j’imagine, est un sentiment ; c’est le désir de la beauté, qui descend dans l’âme en passant par la vue. Si donc je ne m’emploie pas à te servir, c’est que tes charmes que j’admire se sont arrêtés à mes yeux, et n’ont point pénétré jusqu’à mon âme.

Lida.

Comment, avec ton intelligence, ne vois-tu pas que le dédain re-