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Putiphar.

Où est Joseph ?

Delio.

Est-ce qu’il n’est point sorti par cette salle ?

Nicèle.

Oui… il vient de sortir. Comme son maître était avec le roi, il a cru le moment propice pour une lâche trahison, et il a voulu m’avoir par force… et tandis que je me défendais, il m’a laissé son manteau comme vous avez vu.

Servio.

Pardonne, mon seigneur, si un soldat de ta garde ose te parler avec tant de franchise… Mais la faute en est à toi.

Putiphar.

Arrêtez-le.

SERVIO, à part.

Aujourd’hui finit la faveur de Joseph, qui me causait tant d’envie.

Les soldats sortent.
Putiphar.

Quelle audace ! quelle incroyable audace !… Un esclave étranger que j’achetai pour avoir soin de mes chevaux, oser s’adresser à sa maîtresse !…


Les Soldats entrent, conduisant JOSEPH prisonnier.
Delio.

Marche donc, scélérat.

Joseph.

Pourquoi traiter ainsi un innocent ?

Putiphar.

Maudite soit la confiance que j’ai eue en toi, misérable !… Ah ! ce n’est pas sans motif que tes parents et tes frères t’ont vendu dans ta propre patrie. — Qu’on l’emmène sur-le-champ à la prison… Qu’on lui mette les fers aux pieds et aux mains… qu’il meure étranglé par une corde infâme et non frappé par une arme égyptienne[1].

Il sort.
Joseph.

Quoi ! c’est toi, madame, qui…

Nicèle.

Tais-toi, infâme. Ainsi les méchants sont punis de leur ingratitude.

Joseph.

Tu es femme, et je ne dois pas m’étonner. Mais qu’importe !… Que mon innocence demeure intacte et que ta vengeance me tue !

On l’emmène prisonnier.
  1. En Espagne, la corde était réservée aux vilains.