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Joseph.

Que le ciel te protége !

Putiphar.

Qu’il nous protége tous deux !

Il sort.
Joseph.

Puissant roi du ciel dont le secours me délivra des mains cruelles de mes frères, je te remercie du fond du cœur, en me voyant le maître là où je suis venu esclave. Le soleil commence à peine d’éclairer de ses rayons les plaines azurées du ciel, que je viens vers toi, les mains jointes, t’adresser ma prière ; et lorsque la nuit a succédé à la lumière du soleil couché dans l’Océan, je reviens encore et t’offre en holocauste un cœur qui t’appartient tout entier.


Entre NICÈLE.
Nicèle.

Joseph ?

Joseph.

Madame ?

Nicèle.

À quoi songes-tu là ?… Ou plutôt, à la manière dont tu me traites, je devrais te demander à quoi s’oublie ton indifférence ? Pourquoi te contenter de satisfaire un maître ingrat, et te montrer si peu soucieux de me complaire à moi que tu prives de ma raison ?

Joseph, avec effroi.

Que dis-tu ?… que dis-tu ?… Je ne te comprends pas.

Nicèle.

Je me suis armée, en venant, de toute ma résolution. Laisse-moi, honneur, laisse-moi… Tu n’es plus assez fort pour arrêter une femme qui a perdu toute crainte et qu’anime l’amour !

Joseph, à part.

Sa vue paraît troublée… Ah ! ce que j’avais toujours soupçonné n’était que trop réel. Mais ma loyauté vaincra sa perfidie ; ma fidélité triomphera de son inconstance.

Nicèle.

Où est allé ton maître ?

Joseph.

Le roi l’a fait appeler.

Nicèle.

Joseph ! l’occasion est favorable. Donne satisfaction à mon amour.

Joseph.

Pourquoi me tourmenter ainsi ? D’où vient cette fureur ?

Nicèle.

Et toi, d’où vient que tu me laisses me consumer et mourir ? Quel nom donner à ta conduite ?… — Songes-y ; je suis femme et me suis déclarée.