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et le bronze, puisque vous êtes aussi barbares que des tigres… Mais non, le tigre, du moins, suit le chasseur qui est venu lui ravir ses petits, et le déchire en pièces, sans lui laisser le temps de se précipiter dans les flots de la mer… Mais vous, puisque vous êtes sans courage, puisque vous êtes sans entrailles, puisque vous n’êtes pas Espagnols, puisque vous souffrez que d’autres hommes déshonorent vos femmes et vos filles, pourquoi ceignez-vous l’épée ? pourquoi portez-vous ces poignards ? Ce qu’il vous faut, c’est une quenouille !… Vive Dieu ! je m’arrangerai de telle sorte que nous seules, nous autres femmes, nous rachèterons notre déshonneur par le sang des tyrans ; et quand nous aurons obtenu la victoire, nous vous couvrirons d’outrages, et nous vous céderons nos parures, nos coiffes et nos vêtements. — Déjà, sans procès, sans jugement, le commandeur va faire pendre Frondoso à un créneau de cette tour. Le même sort vous attend tous, et moi je me réjouirai de voir cette ville dépeuplée d’hommes aussi lâches, et je m’efforcerai de ramener le siècle des Amazones, épouvante du monde !

Estévan.

C’est injustement, ma fille, que tu nous adresses ces reproches et ces injures. Moi, du moins, je ne les mérite pas, et je vais marcher contre le traître, dût-il avoir pour lui le monde entier.

Juan.

Moi, je vous suivrai, quelque puissant, quelque redoutable que soit notre adversaire.

Alonzo.

Mourons ! mourons tous !

Barrildo.

Qu’un drap attaché au bout d’un bâton nous serve de drapeau, et meurent les brigands !

Juan.

Quel ordre voulez-vous suivre ?

Mengo.

Allons le tuer sans ordre. Réunissez le peuple, nous sommes tous d’accord pour punir les tyrans.

Estévan.

Armons-nous. Prenons des épées, des lances, des javelots, des arbalètes, des bâtons.

Mengo.

Vivent nos rois !

Tous.

Qu’ils vivent !

Mengo.

Mort aux traîtres !

Tous.

Mort aux tyrans !

Ils sortent tous.