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Laurencia.

Fuis de ce côté, Frondoso.

Le Commandeur.

Non, il n’échappera pas. Qu’on l’arrête ! qu’on l’attache !

Juan.

Rends-toi, mon fils ; va en prison.

Frondoso.

Vous voulez donc qu’il me tue ?

Juan.

Et pourquoi ?

Le Commandeur.

Je ne suis point homme à faire périr personne sans sujet. Si tel eût été mon désir, il serait déjà mort. Mais j’ordonne qu’il soit conduit en prison, et son père prononcera lui-même la peine qu’il a méritée.

Pascale.

Songez, seigneur, qu’il se marie.

Le Commandeur.

Que m’importe son mariage ? est-ce qu’il n’y a pas d’autres jeunes gens dans la ville ?

Pascale.

S’il vous a offensé, pardonnez-lui. Ce sera plus digne de vous.

Le Commandeur.

Ce n’est point une offense qui me soit personnelle, Pascale. C’est le grand-maître, Tellez Giron (que Dieu conserve !) qui a été outragé ; c’est l’ordre de Calatrava tout entier qui a été insulté dans son honneur, et pour l’exemple il faut qu’un tel crime soit puni. Sans cela, on verrait au premier jour lever contre notre ordre l’étendard de la révolte ; car vous n’ignorez pas qu’un soir, ce Frondoso, ce loyal vassal ne craignit pas de diriger une arbalète contre le commandeur mayor de Calatrava.

Estévan.

Si mon titre de beau-père me donne le droit de le défendre, je vous dirai qu’il n’est pas étonnant qu’un jeune homme amoureux se soit emporté dans une telle occasion. Vous vouliez lui enlever sa femme ; ne devait-il pas la défendre ?

Le Commandeur.

Alcade, vous êtes un sot.

Estévan.

Monseigneur, vous avez approuvé mon élection.

Le Commandeur.

Jamais je n’ai pu vouloir lui enlever sa femme, puisqu’il n’était pas marié.

Estévan.

Pardon, seigneur, vous l’avez voulu. Mais il suffit. Nous avons maintenant en Castille des rois qui mettront ordre à tout, et qui,