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Estévan.

Tu viens, Frondoso, dans un moment où ta recherche prolongera ma vie, en me délivrant des soucis, des craintes qui tourmentent mon cœur. Béni soit le ciel, mon fils, qui t’envoie pour mon honneur ! et béni sois-tu également pour n’avoir eu que des intentions honnêtes !… Mais, mon enfant, il faut d’abord avertir ton père ; aussitôt qu’il aura consenti, je te donne Laurencia. Cette union comblera tous mes vœux.

Alonzo.

Avant de vous engager, vous ne feriez pas mal de consulter votre fille.

Estévan.

Ne vous inquiétez pas ; je suis sûr que déjà tout est arrangé entre eux, et qu’ils étaient d’accord avant que Frondoso vînt ici. — (À Frondoso.) Quant à la dot, mon garçon, nous pouvons en causer dès à présent, et je compte bien pouvoir te donner quelques maravédis.

Frondoso.

Ne vous occupez pas de ça ; c’est le moindre de mes soucis.

Alonzo.

Pardine ! il vous la prendrait toute nue.

Estévan.

Je vais cependant savoir ce qu’en pense Laurencia, puisque vous le trouvez bon.

Frondoso.

C’est trop juste. Il ne faut jamais forcer les gens.

Estévan, appelant.

Laurencia ! mon enfant !

Laurencia, paraissant.

Mon père ?

Estévan.

Voyez si je n’avais pas raison, et comme elle a bientôt répondu, — Mon enfant, mon amour, j’ai à te consulter sur un point assez délicat. Écartons-nous un peu. — Dis-moi, je voudrais te demander ce que tu penserais d’un mariage entre Gilette, ton amie, et Frondoso. C’est un brave garçon, et il n’a pas son pareil dans Fontovéjune.

Laurencia.

Comment ! Gilette se marie avec Frondoso !

Estévan.

Ne le mérite-t-elle pas ? N’est-elle pas son égale ?

Laurencia.

Oui, mon père, en effet, c’est mon avis.

Estévan.

Fort bien. Mais moi, je dis qu’elle n’est pas assez jolie pour lui, et que Frondoso fera bien mieux de t’épouser, toi, Laurencia.