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Le Commandeur.

Elle est partie à présent, infâme traître ! — Rends-moi sur-le-champ l’arbalète. Rends-la, vilain.

Frondoso.

Oui-dà, pour que vous me tuiez. — Songez, je vous prie, monseigneur, que l’amour est sourd, et qu’il n’écoute rien quand il sent sa force.

Le Commandeur.

Eh quoi ! un homme comme moi sera-t-il obligé de fuir devant un pareil drôle !… Tire, misérable, tire ; et prends bien garde de me manquer ; car j’oublierais que je suis chevalier.

Frondoso.

Pour moi je n’oublie pas qui je suis ; mais, afin de ne pas exposer ma vie, je m’en vais avec cette arme.

Il sort.
Le Commandeur.

Étrange et cruelle situation l… Mais je me vengerai et de l’insulte et de ce qu’il m’a fait perdre la meilleure occasion… Comment ne me suis-je pas précipité sur lui ? — Vive Dieu ! j’en rougis de honte.




JOURNÉE DEUXIÈME.



Scène I.

La place de Fontovéjune.


Entrent ESTÉVAN et ALONZO.
Estévan.

Ainsi puissiez-vous jouir d’une bonne santé, comme mon avis est qu’on ne tire plus de grain du dépôt. L’année s’annonce mal, et d’ici à la récolte nous avons encore du temps. Malgré tous ceux qui disent le contraire, il vaut bien mieux laisser notre subsistance en lieu de sûreté.

Alonzo.

Je partage cet avis, et en agissant autrement il nous serait impossible de gouverner cette ville[1].

Estévan.

Il faudra que nous fassions une demande là-dessus à Fernand Gomez. — Les astrologues, je le sais, nous annoncent des grains à foison ; mais je ne puis souffrir ces charlatans avec leurs longs préambules, qui veulent nous faire accroire qu’ils sont initiés dans les

  1. Mot à mot, « cette république. »