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Le Roi.

Avez-vous quelque capitaine ?

Deuxième Régidor.

Non, sire. Tout ce qu’il y avait chez nous de nobles a été tué, blessé ou pris. Pas un n’a échappé.

La Reine.

La circonstance exige de promptes mesures. Rester dans l’inaction, ce serait encourager nos ennemis. Avec un semblable point d’appui, le roi de Portugal pourrait entrer dans l’Estramadure et nous faire le plus grand mal.

Le Roi.

Don Manrique, partez, partez sur-le-champ avec deux compagnies, et ne laissez aucun repos aux rebelles que vous n’ayez puni leurs excès. Le comte de Cabra pourra vous accompagner ; c’est un Cordova, et le monde entier le reconnaît pour un bon soldat. Allez ; c’est en ce moment ce qu’il y a de mieux à faire.

Manrique.

Ces dispositions sont dignes de votre haute sagesse. Si la mort ne m’arrête, j’aurai bientôt réprimé leurs fureurs.

La Reine.

Je ne doute pas du succès de l’entreprise, puisque c’est à vous qu’elle est confiée.

Ils sortent.



Scène IV.

Un bois près de Fontovéjune.


Entrent LAURENCIA et FRONDOSO.
Laurencia.

Vrai, Frondoso, tu es bien audacieux, et j’ai laissé mon étendage à moitié pour qu’on ne s’étonnât pas trop en me voyant m’éloigner de la fontaine. Il faut que je te gronde. Tout le monde jase : on sait que tu me parles, que je te parle, et chacun a l’œil sur nous. Et comme tu es un garçon de bonne mine et te mettant mieux que les autres, il n’y a pas une fille au village, il n’y a pas aux champs un garçon qui ne soit prêt à jurer que nous allons nous marier ensemble, et qui ne s’attende chaque dimanche à voir le sacristain publier nos bans au prône. Et puissent tes greniers regorger de grains au mois d’août, et tes jarres être pleines de bon vin, comme il est vrai que jamais pareille idée ne m’a occupée, ni donné plaisir ou peine, désir ou chagrin.

Frondoso.

Hélas ! belle Laurencia, tes dédains me tiennent dans le plus triste état, et si tes regards sont pour moi la vie, tes paroles me donnent la mort. Ne sais-tu donc pas que mon vœu le plus cher