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pas que le mérite est du bonheur ; la véracité, de l’impudence ; la patience, de la lâcheté ? Pour eux une honnête femme est une sotte, la plus belle est contrefaite, et pour peu que nous ayons de liant et de gaieté, ils nous traitent de… Mais baste ! je t’en ai dit assez pour te répondre.

Mengo.

En vérité, tu es un démon.

Barrildo.

Elle n’a pas la langue mal pendue.

Mengo.

Je parierais qu’à son baptême le curé lui jeta du sel à poignées[1].

Laurencia.

Il me semble que vous étiez en discussion. Qu’est-ce donc ?

Frondoso.

Écoute-moi, je te prie.

Laurencia.

Parle.

Mengo.

Sois bien attentive.

Laurencia.

J’écoute de mes deux oreilles.

Mengo.

Nous nous en rapportons à toi.

Laurencia.

Vous avez donc parié ?

Frondoso.

Oui, Barrildo et moi contre Mengo.

Laurencia.

Et que prétend Mengo ?

Barrildo.

Il s’obstine à nier une chose qui est de toute évidence.

Mengo.

Je la nie parce que je dois la nier.

Laurencia.

De quoi s’agit-il ?

Barrildo.

Il dit qu’il n’y a point d’amour.

Laurencia.

S’il parle absolument, il a tort.

Barrildo.

Cent fois tort ; car sans l’amour, le monde ne pourrait pas même se conserver.

Mengo.

Moi, je n’entends rien à la philosophie. Oh ! si je savais lire, vous

  1. Les Espagnols emploient plus fréquemment que nous la métaphore de sel pour esprit, et elle est chez eux du langage populaire.