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pour un temps condamnée au silence ; que de là vinrent les satyres, qui, étant plus cruelles encore, passèrent plus promptement, et qu’alors naquit la comédie nouvelle.

Dans le principe les ouvrages dramatiques ne se composaient que de chœurs. Bientôt on y ajouta un certain nombre de personnages. Mais Ménandre, suivi en cela par Térence, rejeta les chœurs comme ennuyeux. Ce dernier fut le plus scrupuleux observateur des préceptes ; jamais il n’éleva le style de la comédie à la hauteur tragique ; plus sage en cela que Plaute, à qui l’on a tant reproché ce défaut[1].

La tragédie est fondée sur l’histoire, la comédie sur des fictions ; et celle-ci fut appelée de plain-pied, parce qu’on la jouait sans cothurne ni décorations, et qu’elle prenait ses arguments dans les classes les plus humbles. Cependant, alors comme à présent, il y avait plusieurs sortes de comédies ; il y avait des comédies à pallium, à toge, des mimes, des atellanes, des tabernaires.

Les Athéniens, qui donnaient des prix à leurs poëtes dramatiques et à leurs acteurs, réprimandaient dans leurs comédies, avec une élégance attique, les vices et les mauvaises mœurs. Voilà pourquoi Cicéron appelait la comédie le miroir des mœurs, l’image de la vérité : sublime attribut qui élève Thalie au rang de l’histoire, et qui nous montre combien elle mérite d’estime et d’honneur.

Mais déjà vous vous récriez, ce me semble, en disant : « À quoi bon traduire des livres et nous fatiguer de cet étalage d’érudition ? » Croyez-le, ce n’a pas été sans motif que j’ai rappelé toutes ces choses à votre mémoire : je voulais vous faire voir que vous m’avez demandé un art dramatique en Espagne, où tous les ouvrages dramatiques s’écrivent contre l’art, et je devais déclarer que nos pièces sont contraires à l’usage antique et à la raison. Mais laissons cela : c’est à mon expérience que vous vous adressez, et non à ce que j’ai pu apprendre des principes d’un art qui nous dit la vérité, mais auquel le vulgaire préfère l’erreur.

  1. C’est tout le contraire ; ce n’est pas Térence, c’est Plaute qui n’éleva jamais le style de la comédie à la hauteur tragique. Comme Lope connaissait parfaitement l’un et l’autre poëte, on ne peut attribuer cette erreur qu’à une distraction, et à la rapidité avec laquelle il composa son Nouvel art dramatique.