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Le marchand.

Comment vous appelez-vous ?

Premier captif.

Juan de Flores.

Le marchand.

Allons ! c’est bien, je vous emmène tous.

L’enfant.

Quoi ! mère, nous nous en allons ?

La femme.

Oui, mon enfant.

L’enfant.

Tout de suite ? tout de suite ?

La femme.

Oui, mon amour chéri.

L’enfant.

Faites-y bien attention. En arrivant là-bas, ne manquez pas de m’acheter une épée, et tous les Turcs que nous rencontrerons, je les tuerai !


Il est inutile de faire remarquer au lecteur la vérité de cette scène et l’art avec lequel sont posés les divers personnages, qui tous sont vivants. Ce marchand, un peu froid d’abord, mais sensible et humain, et qui se laisse émouvoir par l’expression d’un sentiment élevé ; les captifs qui menacent adroitement de renier ; la femme dolente et pieuse ; l’enfant spirituel et vif, confiant dans ses forces, qu’il n’a pas encore éprouvées, et se livrant aux petites forfanteries de son âge ; et, au fond du tableau, le trinitaire silencieux ; tout cela est observé et rendu avec une exquise finesse.

Je vais maintenant citer une scène d’un caractère différent, bien qu’empruntée à la même pièce que la précédente[1]. Une ligue a été conclue contre le sultan Sélim entre l’Espagne, Rome et Venise. D’abord les Turcs ont eu l’avantage ; mais les chrétiens ne sont pas découragés, et bientôt ils auront leur revanche : dans quelques jours doit avoir lieu la bataille de Lépante. Vous êtes à Messine en 1571. Vous allez assister à un conseil de guerre composé des généraux espagnols et italiens les plus illustres de ce temps. C’est don Juan d’Autriche, le fils naturel de Charles-Quint, qui préside le conseil. Autour de lui sont assis le fameux André Doria, le marquis de

  1. La Santa liga.