Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/368

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Entrent LES MUSICIENS.
Musiciens, chantant.

Sur les bords de l’Arlanze
Bernard de Carpio s’avance,
Le vaillant guerrier,
À franc étrier.
Il veut entrer en danse
Avec les Maures de Bragance,
Et l’enragé démon
Tient à la main un jambon.

Les Musiciens se retirent.


Entre PAEZ pour réciter le prologue[1].
Paez.

Très-illustre assemblée, — un laborieux cordonnier avait l’habitude de se lever tous les matins avant l’aurore. Or, un beau matin, comme il cherchait sa poix blanche pour préparer son fil, et qu’il ne faisait pas encore jour, il plongea, dit-on, la main dans un certain vase qui contenait des choses que je ne puis pas dire. Sentant son erreur, il voulut aussitôt secouer la main ; mais il la secoua de telle sorte qu’il s’envoya tout par le visage et dans la bouche. — La poix, c’est le directeur de la troupe ; le cordonnier, c’est vous ; la chose en question, c’est un sol ; et si quelqu’un s’avise de parler, je prie Dieu qu’il mette la main dans le vase et cætera.

Il se retire
Les Spectateurs, criant.

La comédie ! la comédie !


Entrent PAEZ et HÉLÈNE.
Paez.

Oui, charmante Hélène, lorsque vos beaux yeux se fixent sur moi, je me sens tout ravigoté. Vous êtes ma déesse, ma reine, et je mets mon cœur à vos pieds. C’est pour vous que j’ai quille Troie, ma patrie ; et tout le long du chemin, c’est à-dire tout le temps que j’ai été sur mer, je n’ai fait que pousser des soupirs gros comme des maisons. J’ai un vaisseau qui m’attend ici près. Quand donc, charmante Hélène, pourrons-nous décamper ?

Hélène

Aimable Pâris, jamais tentation, Dieu le sait, ne fut aussi vive que la mienne, et je voudrais bien m’en aller avec toi ; mais Ménélas est jaloux ; et puis, s’il faut te l’avouer, je crains beaucoup la mer. Ah ! si l’on pouvait faire le voyage en voiture, je n’hésiterais pas un moment.

    que l’on était debout au parterre, et qu’alors comme aujourd’hui, les auteurs, dans les compliments qui finissaient les pièces, s’adressaient au parterre comme à la portion la plus nombreuse et la plus redoutée de l’assemblée.

  1. Avant la comédie le directeur de la troupe (autor) débitait un prologue nommé loa.