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l’a enlevée, l’a conduite à travers la forêt, et la tient cachée dans le creux d’un rocher. C’est lui qui la garde, lui qui la possède, lui qui vient de passer la nuit auprès d’elle. — Que dis-tu maintenant de leur religion ?

Dulcan.

Rodrigue avec Tacuana ?

Le Démon.

Si tu ne me crois pas, veux-tu venir à son logis ?

Dulcan.

Oh ! les perfides ! les traîtres ! cruels Espagnols, qui commettent des crimes sous les dehors de la piété chrétienne !… Aux armes, Indiens ! aux armes !

Le Démon.

Appelle, appelle aux armes ! La justice, la raison est pour toi ; pour toi sera la victoire. — Va troubler la messe qu’ils célèbrent.

Dulcan.

Qu’ils meurent ! qu’ils meurent !

Le Démon.

Il faut joindre l’effet aux paroles.

Dulcan.

J’y consens. — Qu’ils meurent ! qu’ils meurent !

Le Démon.

Marche ! hâte-toi.

Dulcan.

Je veux aujourd’hui que leur joie soit convertie en deuil !

Il sort. Une toile se lève ; on voit un autel couvert de cierges et surmonté d’une croix : de chaque côté de l’autel tombe la statue d’une idole, et il en sort six démons.
Le Démon.

Tu as vaincu, Galiléen, comme disait Julien l’Apostat, tu as vaincu ! Ma résistance a été inutile ! tu triomphes !… Maintenant que tu es descendu du ciel dans ton sacrifice, tu as pris possession des Indes, je te cède cet empire et retourne en ma prison. Dans le corps de ces hommes brutaux, j’étais comme ces esprits qui jadis entrèrent dans le corps d’animaux immondes, et comme eux tu me précipites dans les abîmes. Désormais j’abandonne la terre où je suis sans pouvoir. Tu as racheté le monde, et le monde entier est à toi !

Il sort.


Entrent TERRAZAS, l’épée à la main, et DULCAN, armé d’une massue. À leur suite, entrent LES ESPAGNOLS et LES INDIENS, qui se battent.
Dulcan.

Frappez ! frappez ! car ils nous trompent.

Terrazas.

Hélas ! je suis mort.

Dulcan.

Meurs, infâme.