Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/332

Cette page a été validée par deux contributeurs.

les noms de leurs maisons… à moins que Dieu et la Vierge ne soient leur père et leur mère, et que la terre ne soit quelque ami qu’ils ont retrouvé loin de leur patrie. — Voyez à décider ce qu’il faut faire ; car à la manière dont marchent les maisons, elles seront bientôt ici ; et si elles courent vite sur les eaux, elles courront plus vite encore sur la plage.

Dulcan.

Tu parles en ignorant. Ne vois-tu pas que ce sont des poissons, des poissons d’une espèce inconnue, qui, voyageant du côté de ces îles pour y manger de la chair humaine, ont dévoré ces hommes, lesquels appellent leurs dieux à grands cris ? Les poissons s’étant trop gorgés, les vomissent avec effort sur la plage ; et ce tonnerre, c’est un gémissement qu’ils poussent à mesure qu’un de ces hommes sort de leurs entrailles.

Tapirazu.

Je sais mieux que vous deux ce que c’est. Évidemment ce sont les restes des géants qui vinrent jadis dans ces montagnes. C’étaient des hommes de la hauteur d’un pin, et qui allaient toujours sur le rivage de la mer, où ils pêchaient du haut de ces rochers. Mon aïeul racontait de ces hommes que, comme ils s’unissaient les uns avec les autres, un jour le ciel s’ouvrit en divers endroits, et il en descendit un jeune homme revêtu d’une toile blanche, qui leur fit la guerre en lançant contre eux des flammes : on en voit encore les traces sur ces rochers, qui sont par endroits brûlés et noircis. Mais les voilà qui descendent à terre. Que tardons-nous à fuir ? Sauvons-nous, Tacuana.

Tacuana.

Que le soleil me soit en aide ! Je me meurs.

Auté.

Que l’idole Ongol me protége !

Dulcan.

Ce sont plus que des êtres humains.

Tous les Indiens s’enfuient.


Entrent COLOMB, BARTHÉLEMY, FRÈRE BUYL, PINZON, ARANA, TERRAZAS, et d’autres Espagnols. Frère Buyl porte une croix de couleur verte.
Colomb.

Terre ! terre tant désirée !

Barthélemy.

Ô mon frère ! la voilà ta terre bien-aimée.

Colomb.

Il faut que je l’embrasse, puisqu’enfin elle se montre à mes désirs après tant de fatigues. Nous l’appellerons la Désirée.

Arana.

Le nom est bien choisi.