Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



Scène II.

Devant le château de don Tello.


Entrent NUÑO et CELIO.
Nuño.

Je pourrai donc enfin la voir ?

Celio.

Oui ; don Tello mon seigneur l’a permis.

Nuño.

Mais non. J’ai tort de le désirer. Pourquoi la verrai-je si elle est déshonorée, si mon malheur est à son comble ?

Celio.

Rassurez-vous, elle résiste ; elle résiste avec cette admirable constance qui n’appartient qu’aux femmes.

Nuño.

Hélas ! puis-je croire qu’une jeune fille au pouvoir d’un homme conserve sa vertu ?

Celio.

Cela est si vrai, que si Elvire voulait bien m’accepter pour mari, je l’épouserais sans plus d’inquiétude que si je la prenais dans votre maison.

Nuño.

Quelle est, dis-tu, la fenêtre de sa chambre ?

Celio.

C’est cette fenêtre là-bas, de ce côté… C’est là qu’elle m’a dit qu’elle devait se mettre.

Nuño.

En effet, autant que ma vue affaiblie peut me le permettre, j’aperçois une robe blanche, une femme.

Celio.

C’est elle, approchez. Pour moi je me retire. Cédant à vos importunités, je vous ai ménagé cette entrevue ; mais je ne voudrais pas qu’on me vît avec vous.

Il sort.


ELVIRE paraît à la fenêtre.
Nuño.

Est-ce toi ? est-ce toi, ma pauvre enfant ?

Elvire.

Quelle autre pourrait-ce être que votre malheureuse fille ?

Nuño.

Hélas ! je croyais ne plus te revoir. Cela non pas à cause des murs et des grilles derrière lesquelles tu es enfermée, mais parce que je te croyais déshonorée. Oui, si tu étais déshonorée, ton père ne pourrait plus te revoir… Hélas ! dis-moi, as-tu conservé sans