Page:Lope de Vega - Théâtre traduction Damas-Hinard tome 1.djvu/246

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je tremble, comme si toutes mes espérances n’étaient suspendues qu’à un fil.

Sanche.

Ton père m’a dit qu’il avait déjà donné sa parole à un domestique de don Tello. Quel changement étrange !

Elvire.

Hélas ! il n’était que trop vrai que mes espérances ne tenaient à rien. Quoi ! Sanche, mon père me marie avec un écuyer ! Ah ! tout est fini pour moi… Vis heureux, cher objet de ma tendresse ; je me donnerai la mort.

Sanche.

Doucement, chère Elvire, je plaisantais. N’as-tu point vu la vérité dans mes yeux ? N’as-tu point vu ma joie ? Ton père n’a pas hésité un seul moment ; il m’a dit oui tout de suite.

Elvire.

Ce n’était pas de te perdre qui m’affligeait, c’était d’aller habiter un palais où l’on se serait moqué de mes manières rustiques. Voilà ce qui causait mon chagrin.

Sanche.

Et moi, sot, qui m’y suis laissé prendre ! « Vis, mon Sanche, vis, imbécile, je me donnerai la mort ! » Ah ! trompeuse adorée, comme vous vous moquiez de moi !

Elvire.

Eh bien, moi aussi je plaisantais. Va, sois tranquille, je t’aime, et c’est l’amour qui m’a dit de te donner cette leçon. Ne sais-tu donc pas que l’amour est tout vengeance ?

Sanche.

Ainsi donc tu acceptes ma main ?

Elvire.

Ne dis-tu pas que tu as le consentement de mon père ?

Sanche.

Oui, mais il m’a donné un conseil que je ne lui demandais pas : il veut que j’aille chez don Tello, mon seigneur et seigneur de tout ce pays, puissant en paix comme en guerre, et que je lui demande quelque faveur. J’ai en toi, mon Elvire, ce qu’il y a de plus précieux au monde, et tous les trésors des Indes ne sont rien près de toi ; mais ton père dit que je dois cela à mon seigneur. Nuño a de l’expérience, il est homme de bon conseil, puis, ma charmante, il est ton père… Je vais chez don Tello.

Elvire.

J’attends ton retour.

Sanche.

Je voudrais que lui et sa sœur me donnassent mille bijoux de prix pour te les offrir.

Elvire.

Contente-toi de lui faire part de notre mariage.