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Nuño.

Laisse-nous, imbécile.

Sanche.

Puisque vous connaissez leur réputation et leur noblesse, je ne crois pas que vous puissiez repousser avec dédain un amour honnête : je brûle, je meurs pour Elvire.

Pélage.

Il y a tel autre porcher dont le bétail est si sec que l’on dirait du lard fumé à la cheminée ; mais moi, lorsque je mène mon troupeau aux champs…

Nuño.

Comment ! tu es encore là, animal ?… Par la mort…

Pélage.

Eh ! maître, je parlais des pourceaux, et non pas d’Elvire.

Sanche.

Maintenant que vous savez ma tendresse…

Pélage.

Maintenant que vous savez ses agaceries…

Nuño.

On ne trouverait pas dans toute l’Amérique un sauvage de cette espèce.

Sanche.

Daignez consentir à notre union.

Pélage.

C’est que, voyez-vous, j’ai ici tel cochon…

Nuño.

Tu me romps la tête.

Pélage, continuant.

Qui pourrait être maître de chapelle, tant il a la voix belle et forte, surtout lorsqu’il entre ou qu’il sort du hameau.

Nuño.

Elvire y consent-elle ?

Sanche.

Elle approuve mon amour, et m’a autorisé à vous parler.

Nuño.

Ta recherche l’honore, et je ne doute pas qu’elle ne soit heureuse avec toi, puisqu’elle apprécie ton mérite. Elle sait d’ailleurs que tu pourrais prétendre à un parti plus relevé.

Pélage.

Si j’avais à moi tant seulement cinq ou six petits cochons, et que ceux-là en fissent d’autres, et ainsi de suite, — au bout de quelques années je pourrais aller en coche[1].

  1. Il y a dans le texte un jeu de mots sur cochino (cochon) et cochero (remise où l’on place les voitures).