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Sanche.

À moi ? non, certes. Je t’ai dit mes sentiments, je t’ai dit tout ce qu’il y a dans mon cœur, et tu ne m’as pas répondu.

Elvire.

Est-ce que mon silence ne répondait pas pour moi ?

Sanche.

Alors les torts sont partagés.

Elvire.

Sanche, toi qui as de l’esprit, tu devrais savoir que nous autres femmes, nous parlons en nous taisant et accordons en refusant. Il ne faut jamais nous juger sur l’apparence ; il ne faut jamais sur l’apparence nous croire cruelles ou éprises. Avec nous, il faut toujours croire le contraire de ce que nous faisons paraître.

Sanche.

D’après cela, tu me permets de te demander à Nuño ? Tu te tais, c’est me dire oui… il suffit ; maintenant je ne m’y tromperai plus

Elvire.

À la bonne heure ! mais au moins ne va pas dire à mon père que je le désire.

Sanche.

Le voici qui vient !

Elvire.

J’attends derrière cet orme le résultat de votre conversation.

Sanche.

Ô ciel ! fais qu’il écoute ma prière. Sinon, j’en mourrai.

Elvire se cache.


Entrent NUÑO et PÉLAGE.
Nuño.

Tu fais si mal ton service, Pélage, qu’il me faudra chercher quelqu’un qui soit plus leste que toi à parcourir ces vallées. As-tu quelque sujet de mécontentement dans ma maison ?

Pélage.

Dieu sait ce qu’il en est !

Nuño.

Eh bien, dès aujourd’hui tu peux partir. Le service n’est pas un mariage.

Pélage.

Et voilà justement ce qui me fâche.

Nuño.

Tu m’aurais bientôt perdu tous mes porcs.

Pélage.

Hélas ! quand on a perdu l’esprit, ça ne peut pas aller autrement. — Écoutez-moi, je voudrais m’établir.

Nuño.

Poursuis, mais prends garde à ne pas me conter quelque sottise.