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LE CHIEN DU JARDINIER.

La Comtesse.

Vous vous trompez ; car désormais, il n’y a plus d’obstacle entre nous ; vous pouvez être à moi ; et dès ce soir, si vous voulez…

Théodore.

Ô bonheur inespéré !… Fortune, arrête-toi.

La Comtesse.

Je serai, je suis sûre, la plus heureuse des femmes. — Allez vous habiller.

Théodore.

Oui, je vais voir ce père si miraculeusement retrouvé, et faire connaissance avec mon majorat.

La Comtesse.

Adieu donc, comte.

Théodore.

Adieu, comtesse.

La Comtesse.

Écoutez.

Théodore.

Qu’est-ce ?

La Comtesse.

Qu’est-ce ?… — Est-ce donc ainsi qu’un serviteur répond à sa maîtresse ?

Théodore.

Chacun son tour, et à présent je suis seigneur et maître.

La Comtesse.

Souvenez-vous nu moins de ne plus me donner de jalousie avec Marcelle, quelque regret qu’elle y puisse avoir.

Théodore.

Croyez-le, dans ma position actuelle je ne m’abaisserais pas à aimer une servante.

La Comtesse.

N’oubliez jamais ce que vous venez de dire.

Théodore.

Vous m’offensez.

La Comtesse.

Et moi, qui suis-je donc[1] ?

Théodore.

Ml femme.

Il sort.
La Comtesse.

Je n’ai plus rien à désirer ; et comme le disait Théodore : Fortune, arrête, arrête-toi.

  1. Il y a ici une grâce qu’il est difficile de reproduire en français. Théodore vient de dire qu’il était seigneur et maître, et un moment après, il a ajouté qu’il ne pourrait plus aimer une servante. La comtesse feint de s’appliquer cette expression, et elle donne à entendre qu’elle veut toujours être aimée, bien qu’elle soit devenue la servante de Théodore.