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JOURNÉE III, SCÈNE V.

Marcelle.

Les grands seigneurs doivent être affables, ne l’oubliez pas.

La Comtesse.

Laissez-le donc. Vous l’assiégez, et vous l’ennuyez avec vos folies. — Seigneur Théodore, recevez mes compliments.

Théodore.

Laissez-moi tomber à vos pieds. Plus que jamais je suis votre esclave.

La Comtesse.

Allez-vous-en ; laissez-nous seuls.

Marcelle.

Qu’en dites-vous, Fabio ?

Fabio.

J’en suis enchanté.

Dorothée, à Anarda.

Que vous en semble ?

Anarda.

Que désormais la comtesse ne voudra plus être le chien du jardinier.

Dorothée.

Elle n’empêchera plus les autres de manger.

Anarda.

Plus que jamais. Mais du moins elle mangera elle-même.

Dorothée.

Eh bien, qu’elle mange tout son soûl.

Les domestiques sortent.
La Comtesse.

Vous ne partez donc plus pour l’Espagne ?

Théodore.

Moi !

La Comtesse.

Vous ne me dites plus : Je pars, madame, je pars ; mais mon cœur reste avec vous.

Théodore.

Vous riez de voir les faveurs dont me comble la fortune.

Il lui baise la main.
La Comtesse.

Que faites-vous donc là ?

Théodore.

Nous pouvons désormais traiter d’égal à égal.

La Comtesse.

Vous me paraissez tout autre.

Théodore.

C’est vous qui êtes changée, et qui regrettez, je crois, que je sois devenu votre égal. Vous aimeriez mieux que je fusse demeuré votre domestique. Quand on aime, on désire d’habitude que l’objet aimé soit dans une position inférieure.