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LE CHIEN DU JARDINIER.



Scène III.

Une salle chez la Comtesse.


Entrent MARCELLE et DOROTHÉE.
Dorothée.

Croyez-moi, Marcelle, s’il est une de vos compagnes qui soit sensible à vos peines, c’est moi.

Marcelle.

Dans la prison où l’on m’a renfermée, vous m’avez montré tant d’affection et vous avez été si bonne pour moi, que, je puis vous l’assurer, vous n’aurez pas à l’avenir d’amie qui vous soit plus dévouée que moi. Anarda s’imagine, sans doute, que j’ignore sa liaison avec Fabio, et c’est pour cela qu’elle a eu la perfidie de raconter mes affaires à la comtesse.


Entrent THÉODORE et FABIO.
Dorothée.

Voici Théodore.

Marcelle.

Ah ! mon ami…

Théodore.

Un moment, Marcelle.

Marcelle.

Quoi, mon ami, vous voulez, lorsque j’ai le bonheur de vous revoir…

Théodore.

Prenez garde à ce que vous faites et à ce que vous dites. Les tapisseries ont parlé plus d’une fois, et si elles représentent des figures c’est pour nous rappeler que derrière peut se cacher quelque indiscret. Si un jour un muet, voyant qu’on allait égorger son père, a pu recouvrer soudain la parole, il faut craindre aussi de voir parler les figures peintes.

Marcelle.

Ayez-vous lu ma lettre ?

Théodore.

Je l’ai déchirée sans la lire. J’ai reçu une telle leçon, que j’aurais déchiré et jeté mon amour au vent si cela m’eût été possible.

Marcelle.

Ne sont-ce pas là les fragments de ma lettre ?

Théodore.

Oui.

Marcelle.

Et, dites-vous, vous ne tenez pas davantage à mon amour ?