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Lope ne demeura pas longtemps tranquille à Madrid. Avant de s’y fixer, il avait encore à courir. À peine âgé de quinze ans (1577), le voilà qui part de nouveau. Mais cette fois ce n’est plus en voyageur, c’est en soldat, l’épée au côté, le mousquet sur l’épaule, et son chapeau orné d’une plume arrogante. Il alla servir en Portugal et en Afrique sous les ordres du marquis de Santa-Cruz, l’un des premiers capitaines de l’époque. Il se comporta vaillamment. Lui-même s’est vanté quelque part que, toujours le premier à l’assaut, il se retirait toujours le dernier du combat[1].

Malgré son brillant courage, Lope ne fit pas fortune à la guerre. Bientôt dégoûté du métier, il revient à Madrid. C’est alors (1578) qu’il entra en qualité de page et de secrétaire chez don Geronime Manrique de Lara, évêque d’Avila et grand inquisiteur, le même qui avait assisté comme légat du pape sur la flotte qui gagna la bataille de Lépante. Là, voulant montrer son talent dans un genre d’ouvrages alors fort à la mode, il composa plusieurs églogues, ainsi que la comédie pastorale de Jacinto[2]. Les églogues sont aujourd’hui perdues ; mais nous avons encore la pastorale, et si vous la jugez comme l’œuvre d’un jeune homme de seize ans, composée à une époque où le théâtre moderne n’existait pas encore, vous y reconnaîtrez une vocation décidée pour la poésie dramatique. Don Geronime, qui, malgré la sévérité de ses fonctions, n’était pas indifférent à la poésie, partagea probablement cette opinion. Prévoyant, d’après ces essais, l’avenir réservé à son jeune secrétaire, et sentant quel parti un si heureux naturel pourrait tirer d’une plus forte instruction, il envoya le poëte terminer ses hautes études à l’université d’Alcala. Lope a toute sa vie conservé la plus profonde reconnaissance à ce généreux bienfaiteur ; et c’est sous l’inspiration de ce noble sentiment qu’il a fait depuis de Garceran Maurique, l’un des aïeux du bon évêque, le héros principal et pour ainsi dire le Renaud de sa Jérusalem conquise.

À l’université d’Alcala, Lope étudia la philosophie, la théologie, les mathématiques. En même temps, « il apprit, par la

  1. Voyez pour ce passage, outre les épîtres, la Gatomachie, silv. i, au commencement.
  2. On jouait des pastorales ou bergeries en France dès les commencements du seizième siècle. L’Aminta du Tasse est de 1572.