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Entrent LA DUCHESSE et THEODORA.
La Duchesse.

Ne dis-tu pas que c’était Valerio ?

Theodora.

Oui, madame, je le crois, autant que j’ai pu le reconnaître

Valerio.

C’est moi, madame, qui vous ai parlé tout à l’heure. Et puisque vous n’êtes pas insensible, à ce que j’imagine, à la prospérité du prince mon seigneur, et que vous vous intéressez à ce qui peut lui arriver d’agréable, je vous annonce que désormais il doit vivre heureux et content.

La Duchesse.

Que lui est-il donc arrivé d’agréable ?… De grâce, expliquez-vous.

Valerio.

Cet homme que vous venez de voir emmener prisonnier est son plus mortel ennemi, dont vous savez le crime mieux que personne. Cet homme, c’est le perfide comte que vous aimiez pendant qu’il vous trompait ; le comte qui se vantait à la cour des faveurs que sa feinte tendresse obtenait de vous ; le comte qui rétablira bientôt votre honneur en périssant sur l’échafaud. La troupe qui vient de passer ici l’a trouvé sur la frontière, endormi au pied d’un arbre. Il avait sur lui un poignard et une épée, avec quoi, s’il eût été éveillé, il aurait peut-être essayé de se défendre. Mais je ne pense pas qu’il s’y fût risqué, parce qu’il n’a guère de cœur que sur la langue… Enfin nous l’avons en notre pouvoir, et avant demain il aura cessé de vivre… Voyez, madame, si vous auriez à me charger de quelque chose pour le prince, que j’ai laissé près d’ici ignorant l’aventure, et à qui j’ai hâte d’aller annoncer cette nouvelle.

La Duchesse.

Puisse-t-il vous en récompenser dignement, Valerio !

Valerio.

Puisse le ciel, madame, vous accorder la gloire que je vous souhaite !

La Duchesse.

Allez, Valerio, allez !

Valerio.

Je cours, madame.

Valerio sort.
La Duchesse.

L’infâme !… — Oh ! si je n’avais été obligée de dissimuler mon tourment, je ne sais pas de quoi je n’aurais pas été capable… J’aurais de mes mains donné la mort a ce vil messager, et ensuite à son maître, à mon tyran. Oui, Theodora, avec l’aide seulement d’une épée et de ma fureur, tu m’aurais vue accomplir l’action d’une vraie Espagnole. Oui, Theodora, j’ai un cœur, j’ai un courage à leur en-