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oublié Louisbourg[1], ni Beau-Séjour, ni Port-Royal. Beaucoup de nos voisins ont déjà gagné la forêt, où ils attendent, le cœur plein d’angoisses, le sort douteux de demain. Que pouvons-nous faire en effet ? On nous a enlevé nos armes et nos munitions, ne nous laissant que nos instruments de travail. »

Le pacifique et trop confiant fermier répondit alors, avec un sourire sur les lèvres : « Nous sommes plus en sécurité au milieu de nos troupeaux et de nos champs de blé, mieux protégés par ces dignes battues par l’Océan, que ne l’étaient nos pères dans leurs forts, assaillis par les bombes ennemies. Arrière donc toute crainte, mon bon ami, il ne peut nous arriver rien de fâcheux. N’attristons donc pas par de vaines chimères cette maison et ce foyer, car c’est la soirée du contrat. Dans un instant, le notaire René Leblanc sera ici avec ses papiers et son encrier de corne. Réjouissons-nous donc à la pensée de la félicité de nos enfants, qui bientôt seront unis et resserreront ainsi les liens de notre vieille amitié. »

Évangéline, assise à l’écart près de la fenêtre, la

  1. Louisbourg, situé dans l’île du Cap-Breton, fut pris par les Anglais en 1743. — Le fort de Beau-Séjour fut bombardé et capitula en 1746, ainsi que Port-Royal, aujourd’hui Annapollis.