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LES COMITADJIS

le bas, un café comme en Europe ! C’était si beau que les bœufs eux-mêmes, couchés tout le jour sur le trottoir d’en face, de temps en temps, ensemble, en meuglaient d’admiration.

Il y avait peut-être bien cinquante mille habitants à cette époque-là, qui se situe vers 1914.

Puis ce fut 1915, septembre. Les trains, déjà, n’y allaient plus, ils s’arrêtaient à Topchider. Le bel hôtel était fermé. Évacuée, la petite capitale du petit royaume des Serbes n’en paraissait pas plus grande. J’ai encore sa solitude dans les yeux et son silence dans les oreilles. Elle semblait si peu de chose que, pour la soustraire au bombardement des Allemands, j’invitais les autres correspondants de guerre, mes frères, à la ficeler solidement, à la charger tour à tour sur nos dos et à l’emporter loin de la Save et du Danube. Ce ne fut qu’une bonne intention, le bourg mort resta au bord de ses fleuves. Volant de l’autre rive par-dessus les eaux, les obus ennemis trouaient ses pauvres rues et décoiffaient ses pauvres maisons. Sous un coup bien placé, le clocher de son église s’inclinait. Les derniers oiseaux s’envolaient du Kalimegdan. Un chien appelait au secours. Des affiches à moitié collées avaient bien annoncé que tout le monde devait s’en aller, mais ces affiches étaient trop haut et le chien n’avait pu les lire…