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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

pièce, je me demandais si je la ferais passer. Je la mis dans ma chambre, me réservant le droit de la dresser.

Je lui interdis d’aller au travail à Londres. Il ne s’agissait pas de tomber malade ou de se faire arrêter une fois les deux billets achetés. Elle sortit quand même. Je me contins. Plus je faisais le doux plus elle prenait le dessus. Le remords me dévorait en pensant que j’allais procurer une situation à cette mariée de village.

Parfois je l’humiliais. Elle s’échappait. En rentrant, elle me jetait quarante ou cinquante shillings à la figure. Ah ! je suis bonne à rien ? Elle semait encore une vingtaine de shellings à travers la pièce. Elle m’insultait, cette Chinoise !

Cela donnait à réfléchir. Je compris que toute marchandise trouve amateurs. J’avais jugé l’humanité trop distinguée !

Je décidai de l’embarquer.

La veille du départ, voilà-t-il pas qu’elle se permet de se soûler ? Elle me fait une postiche (une scène). Elle n’était déjà pas bien avantagée, je lui casse son nez. En montant sur le bateau, elle avait les deux yeux tout noirs. Et j’étais forcé de dire : c’est ma femme. Elle me faisait honte.

Soi-disant, je l’emmenais comme caissière. À elle aussi j’avais dit cela, pour qu’elle n’eût pas à