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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

pas les villes, mais tous ces terrains vagues. C’est une ville, où je te conduis, une ville frontière ; tiens ! comme Toul ! C’est des civilisés avec qui tu auras affaire. Embrasse-moi !

On arriva. Ah ! là là ! Un sale tapin ! Cinq piastres la planchette, comme on dit aux loteries des foires. Et cela ne faisait que douze francs cinquante à l’époque. C’était un travail héroïque. Pas de chômage ni d’heure creuse. Elle fut courageuse, cette gosse, à ne pouvoir s’en faire une idée. Ça s’améliorera, lui disais-je. Elle tint le coup !

Lié avec tous les hommes du milieu, là-bas, on devient vite un Américain du Sud, on prend goût aux affaires. En trois mois j’avais remboursé Petit-Rouge, réglé l’hôtelier de Buenos-Aires. Dans sa maison ma femme était considérée comme un bon capital, solide, à l’abri des fluctuations. Ce capital était à moi. L’idée me vint donc de ne pas m’endormir dans le bien-être. Je décidai d’aller en remonte. J’avais les dents assez longues pour manger deux biftecks.

Je m’en ouvris au locataire de ma femme. Je fis valoir mon capital. Je sollicitai deux mille piastres d’avance.

— Tu sais, qu’il me dit, ta gosse est gentille. Il faut compter trois mois d’absence. Pendant ce temps elle peut se faire enlever par un client. Tu es