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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

— Oui, c’est son premier voyage. Elle ne donnerait pas sa place à une autre !

Elle me dit qu’ils venaient de Saint-Sébastien, qu’ils y étaient restés trois jours et que c’était joli, joli. J’aurais pu leur demander pourquoi ils étaient venus s’embarquer à Bilbao, mais je le savais : c’était pour éviter la police française. On alla à leur hôtel chercher les bagages. C’était le plus beau de la ville. La jeune fille le regardait avec reconnaissance. Qui lui eût dit, naguère, qu’elle serait la cliente d’un pareil établissement ? que les garçons, au lieu de la tutoyer, la salueraient ? Elle était en Espagne. Elle allait à Buenos-Aires. Elle ne savait pas où se trouvait Buenos-Aires, mais elle me confia que son ami le savait.

L’auto roula. Nous étions comme tous les passagers du même bord, qui, sans se connaître, ne se quittent plus. On allait au bateau. Il lui dit qu’elle avait de la chance, que, non seulement elle voyait l’Espagne, mais qu’à ce moment même il y avait une révolution. Alors, demanda-t-elle, j’ai vu aussi une révolution ? Je confirmai qu’elle avait vu une révolution. Elle trouva tout magnifique sur le chemin, les arbres, les tas de cailloux, les vaches. Elle était très mignonne.

Le bateau était en rade. Elle fut heureuse de le voir. Elle n’aurait su dire s’il était beau, vilain,