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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

— Ce n’est pas beau, madame Lison, c’est tout ce que je peux dire ! C’est peut-être pourquoi vous voilà portière, au lieu d’être propriétaire d’un bar bien luisant et bien placé, à Marseille.

— Chacun fait ses bêtises irréparables, monsieur Antoine.

Royal repas. On traite bien ses invités dans le Milieu. Peut-être me demanderez-vous si je ne trouvais pas un certain goût à la cuisine ? Pas du tout. Je me souvenais même, incidemment, d’un autre dîner que j’avais fait naguère en Orient chez un personnage considérable et qui portait, large comme un pion, une rosette de la légion d’honneur. Cette aimable fripouille avait gagné ses millions de livres, son influence et, par la suite, sa décoration, en stockant le blé pendant la guerre, ce qui avait créé dans le pays l’une de ces famines que l’on qualifie d’historiques. Il avait dépêché par la faim et le typhus des milliers et encore des milliers de pauvres serfs, de femmes de serfs et d’enfants de serfs. Le dîner de monsieur et madame Lulu passait tout de même mieux.

Le timbre de l’entrée retentit. Instinctivement la portière se leva. Le maître de la maison la pria de se rasseoir.

On découpait les poulets.

— Voyez-vous, reprit l’ancien, aller à New-