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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

André Tudesq prétendait que la mer commençait à un endroit et que cet endroit était Trieste. Une fois, il me tint longtemps à ce point de l’Adriatique. Il me prouvait, à coups de raisonnements grandioses, que son affirmation ne devait rien à la fantaisie. Et devant un remous qui se produisait dans une anse, il s’écriait : Tiens ! regarde, voilà la source, ça bouillonne !

S’il ne m’avait abandonné, moi son vieux compagnon, à Saïgon, pour mourir, je l’eusse amené ce soir à la Boca : Tu m’as confié un secret, tu m’as dévoilé la source de la mer. Je t’en remercie. Si la mer commence, elle doit finir. Et, moi j’ai trouvé le bout de la mer. Ne le dis à personne, il ne faudrait pas que l’on me volât ma découverte ; regarde, nous y sommes.


La Boca semble une conscience qui se serait chargée de tous les péchés mortels et qui, affalée là, vivrait au milieu de la malédiction.

Le tableau qu’elle fait a la puissance effrayante du jugement dernier de Michel-Ange.

Tous ces bateaux sur le Rio n’ont pas, certainement, d’autres missions que de courir les vastes mers à la recherche des âmes condamnées à la Boca.

Condamnées non à mourir, mais à vivre.