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LE CHEMIN DE BUENOS-AIRES

— Sitôt qu’elles ont gagné quatre sous, elles ne travaillent plus. Elles restent couchées dans la crasse ou bien font la noce. Elles ont vingt ans et on les ramasse soûles sur le trottoir ! Au lieu d’acheter du linge, elles boivent des petits bordeaux blancs. Elles sont sales, les ongles noirs, les cheveux gras. Vite, elles perdent toute dignité. Vous en voyez qui se battent. Elles ont de gros mots dans la bouche. Nous remplaçons tout ça.

On la prend, on la lave, on la récure. On l’habille décemment. On lui donne le goût du linge propre. On l’arrache à ses basses fréquentations.

— Tenez, fait Jean-Philippe, moi j’ai payé un professeur à la mienne. Elle ne savait ni lire, ni écrire. Son père et sa mère ne l’avaient pas fait !

— On lui apprend l’économie et le devoir envers la famille. Sans nous vanter nous pouvons affirmer que quatre-vingt-dix pour cent de ces femmes n’avaient jamais soutenu leurs parents. Depuis qu’elles ont un homme, elles envoient régulièrement à la vieille grand’mère, au père malade, aux petites sœurs. Plutôt, c’est nous qui envoyons pour elles. Voulez-vous voir les talons des mandats ?

Victor ouvrit son secrétaire. Les talons étaient là. Il y en avait deux paquets. Le premier paquet concernait la famille de sa « femme », le deuxième celle de sa « môme ».