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le juif errant est arrivé

monde serait mendiant. Personne n’a un liard de plus que son voisin, lequel n’a rien. C’est la misère égalitaire. Ils vivent d’elle comme d’un héritage ancestral, l’âme sans remords, l’esprit tranquille. La succession ne leur sera pas contestée. Le testament d’Israël est légal !

La femme, pendue au manteau de Ben, gémissait en yiddisch.

— Que dit-elle ?

— Elle dit qu’elle a le mal de faim.

Elle nous montra des fruits maigres, en décortiqua un : pour un quart de chair, trois quarts de noyau. Plus de maïs dans le pays. Si le rabbin ne rentrait pas demain, pas de pain blanc pour le sabbat. Vingt degrés de froid dans l’étable. Les enfants en bas âge vêtus seulement d’une chemise. L’oiseau, lui, avait au moins des plumes ! Les deux plus grands étaient groupés non autour d’un poêle : autour d’un livre. Les plaintes de la mère ne les arrachaient pas à leur lecture. Pour moins grelotter de froid, ils grelottaient de piété sur le Talmud. Sous un coup de doigt, l’un d’eux releva sa tête bouclée. Tandis que ses yeux me regardaient, ses lèvres mâchaient toujours les saintes paroles. Dédaignait mon apparition, il repiqua du nez dans son hébreu. Un vieillard, debout devant la