Page:Londres - Le Juif errant est arrivé, 1930.djvu/79

Cette page a été validée par deux contributeurs.
78
le juif errant est arrivé

sont pas maigres, ils sont creux. Joues pâles, estomacs défoncés. Sous un coup de doigt, ils résonneraient comme la caisse d’un violon. C’est que leurs rêves ne sont guère entourés que de maïs, de fruits sauvages, de légumes séchés et de débris d’abattoirs, des poumons aux tripailles.

Leurs métiers ? Ils n’en avaient pas. Vous savez que le moyen âge conduit par l’Église ne leur en avait permis aucun, sauf celui que les chrétiens n’auraient pu exercer sans déchéance : trafiquants d’or. D’autre part, le Talmud leur faisait défense de bêcher le sol étranger. Que leur restait-il ? D’être revendeurs ou intermédiaires, et comme ils étaient sans affaires, de traiter, du plus petit au plus grand, les affaires des autres. Exemple : j’arrive à Mukacevo. Fasciné par la révélation de ce nouveau monde, je reste planté sur un trottoir. Des paysans ruthéniens descendent des chars de bois. Une dizaine de Juifs sont à l’affût, la barbe visiblement alléchée. Un paysan ruthénien n’est pas particulièrement malin. Il a su couper son bois, il l’apporte, que lui demander de plus ? Le Juif va le lui vendre. Les chars s’arrêtent. Conciliabule du paysan tout de laine blanche habillé et du Juif sous son plumage de corbeau. L’accord est rapide. Le Ruthénien veut tant. Et mes Juifs de filer à