Page:Londres - Le Juif errant est arrivé, 1930.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.
192
le juif errant est arrivé

voir. Les employés de l’État polonais n’étaient pas royalement payés, mais ceux, comme lui, qui s’occupaient du quartier juif, ne pensaient pas à se plaindre. À défaut de s’enrichir, ils riaient quelques bons coups.

Quand il s’agit de rire, on n’a qu’à venir me chercher. On me trouvera debout, — même avant midi !

C’est ainsi que le lendemain matin, à neuf heures, dans le ghetto de Varsovie, entre les numéros 41 et 45, ulica Gesia un homme se bottait le derrière pour se tenir éveillé.

L’homme qui s’humiliait de la sorte, vous l’avez reconnu, c’est ce martyr de grand chemin, ce pauvre voyageur qu’on ne laisse plus dormir son saoul et que les directeurs de journaux mettent sur les routes par 36° de froid comme s’il était un Esquimau !

Ce matin, il ne faisait plus que –7°. On en frétillait de contentement. J’allais et venais martialement entre ce 41 et ce 45. J’avais l’air d’une sentinelle désarmée montant une garde farouche. Qu’une telle attitude n’eût pas déjà jeté l’émoi dans ulica Gesia, vous ne le croiriez pas. Les Juifs m’observaient anxieusement du pas de leurs boutiques. Depuis huit jours qu’ils me voyaient