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CHEZ LES FOUS

période de dépression. À ces moments, leur souffrance est muette. Ils en sont comme inondés. Accablés sur un banc, les yeux exténués et perdus dans le lointain, leur faute les ronge.

— Allons, madame Garin, marchez un peu, promenez-vous, chassez vos vilaines pensées.

— Se peut-il, monsieur, quand c’est moi qui ai déclaré la guerre ! J’ai fait tuer des millions d’hommes. Il n’y a pas plus affreuse criminelle que moi, ma place n’est pas ici, non, pas ici.

— Et où est votre place, madame Garin ?

— Aux galères.

— Vous ne pouvez pas avoir déclaré la guerre toute seule, voyons !

— C’est moi. J’ai donné voilà dix-neuf ans, sur un bateau, un calendrier à un officier autrichien, au quatrième officier exactement.

— Et qu’est-ce qu’il y avait sur ce calendrier ?

— Des vues de Paris.

— Lesquelles ?

— La tour Eiffel, le pont Alexandre, le Grand Palais, tous les points de repère.

— Ce n’est pas ce qui fit déclarer la guerre.

— Si, c’est cela. Je suis un horrible monstre. Ma place n’est plus ici, où je suis trop bien. J’ai