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le pouvoir des relations humaines, le papotage, l’aboi des chiens, le Champagne. »

— Ta lumière nette et blanche me donne la nausée, dis-je à la raison pure. Tu mens !

— En te disant une vérité trop forte, riposte-t-elle en raillant

— Hélas, oui ! L’existence est tellement sens dessus dessous ! dis-je avec tritesse.

— Eh bien, Liu Ling était plus sage que toi, me lance la raison pure. Tu te souviens de lui ?

Je hoche la tête. Liu Ling, un grand buveur, faisait partie d’un groupe de poètes-ivrognes qui s’intitulaient les Sept Sages du bosquet de bambous ; ils vivaient en Chine voilà des siècles.

— C’est Liu Ling qui déclarait que pour l’homme ivre les affaires de ce monde font l’effet d’herbes folles sur la rivière. Eh bien, prends un autre scotch, et que les apparences et les illusions deviennent pour toi l’herbe sur les flots.

En versant le whisky et en le dégustant, je me souviens d’un autre philosophe chinois, Tchouang-tseu, qui, quatre siècles avant Jésus-Christ, dénonçait en ces termes la rêverie du monde : « Qui sait si les morts ne se repentent pas de s’être attachés à la vie ? Ceux qui rêvent d’un banquet s’éveillent avec tristesse et se lamentent. Ceux qui rêvaient de lamentation et de tristesse s’éveillent pour se joindre à la curée. Tant qu’ils rêvent, ils ne le savent pas. Certains interprètent même le songe au cours de leur sommeil ; c’est seulement à leur réveil qu’ils le reconnaissent pour tel… Les sots croient être actuellement éveillés, et se flattent de savoir s’ils sont réellement princes ou paysans. Confucius et