Page:London - La Croisière du Dazzler', trad. Postif, 1948.djvu/29

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fois, ils s’y risquaient après la tombée de la nuit, et ils pressentaient, non sans raison, qu’ils se lançaient dans une aventure hasardeuse. En deux mots, l’Abîme était un quartier pauvre, où des gens de toute nationalité se pressaient dans une confusion cosmopolite et végétaient vaille que vaille dans la crasse et la saleté.

La soirée commençait à peine quand nos jeunes garçons traversèrent le quartier pour gagner la cabane du marin, où ils arrivèrent sans encombre, malgré les regards sauvages et les remarques désobligeantes de certains galopins de l’Abîme.

Le marin fabriquait des cerfs-volants qui non seulement volaient à merveille, mais encore se repliaient et étaient d’un transport facile.

Chacun des trois jeunes gens en acheta plusieurs. Ils les firent empaqueter, les prirent sous le bras et se mirent en route pour retourner chez eux.

« Ouvrez l’œil sur les gamins ! leur conseilla le fabricant. Ils doivent rôder par là, maintenant que la nuit est tombée.

— Nous n’avons pas peur, lui assura Charley, on sait se défendre. »

Habitués aux artères larges et tranquilles de la Montagne, nos jeunes garçons étaient stupéfaits de la vie intense qui fourmillait dans ce quartier surpeuplé. Ils éprouvaient l’impression de franchir à gué un débordement de végétation épaisse et monstrueuse. En s’enfonçant dans ce dédale de rues étroites, ils se tenaient serrés comme pour une défense commune, et sentaient tous à quel point ce genre d’existence leur était étranger.