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moins douze milles, soulevait de si fortes vagues qu’à tout moment il menaçait de coucher les mâts des bateaux de pêche déjà si secoués par la houle.

Un peu avant la tombée de la nuit, un bout de voile se montra du côté du vent, grandit, et bientôt on distingua nettement l’énorme grand-voile du Reindeer.

« Quel idiot ! s’écria Pete-le-Français, se précipitant hors de sa cabine pour mieux voir. Un de ces jours, je vous le prédis, cet imbécile recevra une balle dans la peau, Paf ! comme ça ! et cette fois plus de Nelson, plus de Reindeer, plus rien ! »

Joë interrogea des yeux Frisco Kid.

« Comme il le dit, répondit celui-ci. Nelson devrait au moins prendre un ris, et même deux. Mais le voilà, toutes voiles au vent, comme s’il avait un ennemi à ses trousses. Il file trop vite. C’est un risque-tout, je le connais pour avoir déjà navigué en sa compagnie. »

Semblable à quelque immense oiseau, le Reindeer passa près d’eux à toute allure, perché sur la crête écumante d’une vague.

« Ne crains rien, il veut seulement voir jusqu’où il peut s’approcher de nous sans nous aborder. »

Joë approuva d’un signe de tête et, les yeux écarquillés, contempla l’émouvant spectacle. Le Reindeer bondissait dans l’air, le nez pointé vers le ciel, presque hors de l’eau, au point qu’on pouvait voir entièrement son marchepied de misaine, puis il piqua de l’avant, tout le pont fut submergé par l’écume et il les dépassa à une vitesse insensée, le gui de sa grand-voile frôla presque le gréement du Dazzler.

Tenant la barre, Nelson fit de la main un joyeux