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Tout là-bas, sur la piste, la louve l’attendait. En s’approchant d’elle, il parut soudain hésiter et ralentit sa course. Il la regardait fixement, avec crainte et désir à la fois. Elle semblait l’aguicher et lui sourire de toutes ses dents, puis fit un pas vers lui, en manière d’avance. N’a-qu’une-Oreille se rapprocha, mais en se tenant encore sur ses gardes, la tête dressée, les oreilles et la queue droites.

Quand il l’eut jointe, il essaya de frotter son nez contre le sien ; mais elle se détourna, avec froideur, et fit un pas en arrière. Elle répéta plusieurs fois sa manœuvre, comme pour l’entraîner loin de ses compagnons humains. À un moment (on eût dit qu’une vague conscience du sort qui l’attendait flottait dans sa cervelle de chien), N’a-qu’une-Oreille, s’étant retourné, regarda derrière lui ses deux camarades de trait, le traîneau renversé et les deux hommes qui l’appelaient. Mais la louve lui ayant tendu son nez, pour qu’il s’y frottât, il en oublia aussitôt toute autre idée et se reprit à la suivre au bout de quelques minutes, dans un prude et nouveau recul qu’elle effectua.

Bill, pendant ce temps, avait songé au fusil. Mais celui-ci était pris sous le traîneau et quand, avec l’aide d’Henry, il eut mis la main dessus, le chien et la louve étaient trop éloignés de lui, trop près aussi l’un de l’autre pour qu’il pût tirer.

Trop tard, N’a-qu’une-oreille connut son erreur. Les deux hommes le virent qui revenait vers eux à fond de train. Mais déjà une douzaine de loups maigres, bondissant dans la neige, fon-