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nous lâcher. Ils savent qu’ils sont sûrs de nous avoir et qu’il leur suffit de patienter. En attendant ils tâchent de se mettre quelque autre chose sous la dent.

— Vous prétendez, observa Henry, qu’ils sont sûrs de nous avoir ?

Bill fit semblant de ne pas avoir entendu et continua :

— J’en ai aperçu quelques-uns. Ils sont maigres à faire peur. Ils n’ont pas mangé un morceau depuis des semaines, en dehors, bien entendu, de nos trois chiens. Il y en a parmi eux qui n’iront pas loin. Leurs côtes sont pareilles à des planches à laver et leurs estomacs remontés collent presque à l’épine dorsale. Ils en sont, je puis vous le dire, à la dernière phase de la désespérance. Ils sont à demi enragés et attendent.

Quelques minutes s’étaient à peine écoulées, quand Henry, qui avait pris la place d’arrière et poussait le traîneau, afin d’aider les chiens, jeta vers Bill, en guise d’appel, un sifflement étouffé. Derrière eux, en pleine vue et sur la même piste qu’ils venaient de parcourir, s’avançait, le nez collé contre le sol, une forme velue. La bête trottinait sans effort apparent, semblant glisser plutôt que courir. Les deux hommes s’étant arrêtés, elle s’arrêta ainsi qu’eux et, ayant levé la tête, elle les regarda avec fixité, dilatant son nez frémissant, en reniflant leur odeur, comme pour se faire d’eux une opinion.

— C’est la louve ! dit Bill.

Les chiens s’étaient couchés sur la neige, et il vint, derrière le traîneau, rejoindre son camarade.