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vue et dès le bruit, sur le sol, de ses pas lointains, Croc-Blanc avait su qui venait et avait commencé à hérisser son poil. Quoiqu’il fût, à ce moment-là, confortablement couché, en un délicieux farniente, il se dressa vivement et, tandis que l’homme approchait, se glissa, à la manière des loups, sur le bord du campement. Il ne put savoir ce qu’on disait, mais vit bien que l’homme et Castor-Gris causaient ensemble. Par moments, l’homme le montrait du doigt, et il grondait alors, comme si la main, dont il était distant de cinquante pieds, se fût exactement abaissée sur lui. L’homme, qui s’en apercevait, riait, et Croc-Blanc reculait de plus en plus, vers le couvert des bois voisins, en rampant doucement par terre.

Castor-Gris refusait de vendre la bête. Son commerce l’avait enrichi, déclarait-il, et il n’avait besoin de rien. Croc-Blanc était d’ailleurs un animal de valeur, le plus robuste des chiens du traîneau et le meilleur chef de file. Il n’avait pas son pareil dans toute la région du Mackenzie et du Yukon. Il savait combattre comme pas un et tuait un autre chien aussi aisément qu’un homme tue une mouche. (À cet éloge, les yeux de Beauty-Smith s’allumaient et, d’une langue ardente, il léchait ses lèvres minces.) Non, décidément, Croc-Blanc n’était pas à vendre.

Mais Beauty-Smith savait la façon de s’y prendre avec les Indiens. Il rendit à Castor-Gris de fréquentes visites et, chaque fois, était cachée sous son habit une noire bouteille. Une des propriétés du whisky est d’engendrer la soif. Castor-Gris eut