Page:London - Croc-Blanc, 1923.djvu/177

Cette page a été validée par deux contributeurs.

associaient, moururent à nouveau et retombèrent au tombeau d’où elles avaient ressuscité. Croc-Blanc regarda Kiche, qui était en train de lécher son petit et qui s’en arrêtait, de temps à autre, pour gronder et menacer. Elle était devenue sans intérêt pour lui. Il avait appris à vivre loin d’elle et il l’oublia tout à fait. Il n’y eut plus, dans sa pensée, place pour elle, exactement comme elle n’avait plus, dans la sienne, gardé place pour lui.

Il restait là, immobile, tout étourdi, livrant une dernière bataille à ses souvenirs bouleversés, lorsque Kiche, pour la troisième fois, renouvela son attaque, bien décidée à l’expulser loin de son voisinage. Croc-Blanc se laissa volontairement chasser. C’était une loi de sa race que les mâles ne doivent pas combattre contre les femelles, et Kiche en était une. Aucune déduction de la vie ni du monde ne lui avait enseigné cette loi. Il la connaissait, immédiate et impérative, par ce même instinct qui avait mis en lui la crainte de l’Inconnu et celle de la mort.

D’autres mois passèrent. Croc-Blanc devenait plus large de formes et plus massif, tandis que son caractère continuait à se développer selon la ligne tracée par son hérédité et par le milieu ambiant. L’hérédité, comme une argile, était susceptible de prendre des formes diverses, selon le monde auquel elle était soumise. Le milieu la pétrissait et lui servait de modèle. Si Croc-Blanc n’était pas venu vers le feu des hommes, le Wild l’eût moulé en un vrai loup. Mais ses dieux lui avaient créé un milieu différent et l’avaient moulé