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notre foyer, trouvent en face d’eux des dieux de chair et d’os, tangibles au toucher, tenant leur place dans le monde et vivant dans le temps comme dans l’espace, pour accomplir leurs actes et leurs fins.

Aucun effort de foi n’est nécessaire pour croire à un tel dieu. Nul écart de la volonté ne peut induire à lui désobéir, ni à le renier. Ce dieu-là se tient debout, immuable sur ses deux jambes de derrière, un gourdin à la main, immensément puissant, livré à toutes les passions, affectueux ou irrité, selon le moment, pouvoir mystérieux enveloppé de chair, de chair qui saigne parfois, à l’instar de celle des autres animaux, et qui est alors plus savoureuse qu’aucune autre à dévorer.

Croc-Blanc subit la loi commune. Les animaux-hommes furent pour lui, dès l’abord, sans erreur possible, les dieux auxquels il était nécessaire de se soumettre. Comme Kiche, sa mère, avait, au premier appel de son nom, repris sa chaîne, il leur voua tout de suite obéissance. Il suivit leurs pas, comme un esclavage fatal. Quand ils marchaient près de lui, il s’écartait pour leur faire place. Lorsqu’ils l’appelaient, il accourait. S’ils menaçaient, il se couchait à leurs pieds. Et s’ils lui commandaient de s’en aller, il s’éloignait précipitamment. Car derrière chacun de leurs désirs était le pouvoir immédiat d’en exiger l’exécution. Pouvoir qui s’exprimait lui-même en tapes de la main, en coups de bâton, en pierres volantes et en cinglants coups de fouet.

Il appartenait aux animaux-hommes, comme tous les chiens du campement leur appartenaient.