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LA SERVITUDE


Chaque jour était pour Croc-Blanc l’occasion d’une expérience nouvelle. Tout le temps que Kiche resta attachée à son bâton, il courut seul, par tout le camp, quêtant, furetant, s’instruisant. Il fut vite au courant des diverses habitudes des animaux-hommes. Mais la connaissance n’entraîne pas toujours l’admiration. Plus il se familiarisa avec eux, plus aussi il détesta leur supériorité et redouta leur pouvoir mystérieux qui, d’autant qu’il était plus grand, rendait plus menaçante leur divinité.

La déception est souvent donnée à l’homme de voir ses dieux renversés et piétinés sur leurs autels. Mais au loup et au chien sauvage, venus s’accroupir aux pieds de l’homme, cette déconvenue n’arrive jamais. Tandis que nos dieux demeurent invisibles et surnaturels, les vapeurs et les brouillards de notre imagination, nous masquant leur réalité, nous égarant comme des aveugles qui tâtonnent dans le royaume de la pensée, en d’abstraites conceptions de toute-puissance et de beauté suprêmes, le loup et le chien sauvage, assis à