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ment de peur s’était évanoui. Il luttait pour sa défense, contre une chose vivante, qu’il déchirait et qui était aussi de la viande bonne à manger. Le bonheur de tuer était en lui. Après avoir détruit de petits êtres vivants, il voulait maintenant en détruire un grand. Il était trop affairé et trop heureux pour savoir qu’il était heureux. Frémissant, il s’enivrait de marcher dans une voie nouvelle, où s’élargissait tout son passé.

Tout en grondant entre ses dents serrées, il tenait ferme l’aile de la mère-ptarmigan, qui le traîna hors du buisson, puis essaya de l’y repousser, afin de s’y mettre à l’abri, tandis qu’il la tirait à son tour vers l’espace libre. Les plumes volaient comme une neige. Au bout de quelques instants, l’oiseau parut cesser la lutte. Il le tenait encore par l’aile, et tous deux, aplatis sur le sol, se regardèrent. Le ptarmigan le piqua du bec sur son museau, endolori déjà dans les précédentes aventures. Il ferma les yeux, sans lâcher prise. Les coups de bec redoublèrent sur le malheureux museau. Alors il tenta de reculer. Mais, oubliant qu’il tenait l’aile dans sa mâchoire, il emmenait à sa suite le ptarmigan et la pluie de coups tombait de plus en plus drue. Le flux belliqueux s’éteignit chez le louveteau qui, relâchant sa proie, tourna casaque et décampa, en une peu glorieuse retraite.

Il se coucha, pour se reposer, non loin du buisson, la langue pendante, la poitrine haletante, son museau endolori lui arrachant de perpétuels gémissements. Comme il gisait là, il éprouva soudain la sensation que quelque chose de terrible